samedi 24 novembre 2012

*Où en est l’open-data gouvernemental ?*



Le 5 décembre prochain, le portail de données publiques français soufflera sa première bougie. Depuis un an, des données publiques comme la liste des biens immobiliers de l'Etat, les coordonnées géographiques des commissariats ou des bureaux de poste, ou encore le budget de l’Etat sont proposées dans un format lisible sur data.gouv.fr. Cette plateforme publie en accès libre des données créées par l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales qui le souhaitent, formalisant au niveau gouvernemental la philosophie de l'open-data. Ce principe vise à “ouvrir” le plus possible de données produites par les administrations et les sociétés pour encourager une réutilisation commerciale et un contrôle citoyen.
Transition politique oblige, le nouveau gouvernement a voulu imprimer sa marque sur l'open-data. Un décret de Jean-Marc Ayrault, six mois après son arrivéeau pouvoir, a remanié Etalab, la mission gouvernementale en charge de la création et du maintien de data.gouv.fr, au sein du nouvellement formé secrétariat général à la modernisation de l'action publique (SGMAP). Et Marylise Lebranchu, ministre en charge de la réforme de l'Etat, a annoncé qu'une feuille de route était en cours de rédaction pour la fin de l'année sur l'ouverture des données publiques gouvernementales.
EN ATTENDANT LA DIRECTIVE EUROPÉENNE, ON REMANIE
Si aucun projet de loi sur le sujet n'est pour l'instant annoncé, le gouvernement affirme se mobiliser sur la directive européenne sur les informations publiques, en cours de réécriture. Ce texte réaffirmera un certain nombre de grands principes, notamment ceux de la gratuité des données et du droit à la réutilisation, étendant le périmètre à toutes les données publiques, et pas seulement à celles ayant déjà été publiées. La directive doit également évoquer un droit opposable à la publication. Celui-ci obligerait les administrations à publier toutes les données demandées par les citoyens – une mesure déjà en place dans les pays anglo-saxons, notamment. Mais la France juge ce droit trop contraignant pour les administrations.
En attendant la transcription – lointaine, vers 2015 – de cette directive dans le droit français, le premier ministre a publié, le 31 octobre, un décret annonçant une large fusion : Etalab et deux directions interministérielles (services d'information et communication et pour la modernisation de l’action publique) sont désormais regroupés au sein du SGMAP. Une réforme préconisée par le Conseil national du numérique, l’organe consultatif créé par Nicolas Sarkozy, aujourd'hui en sommeil. En juin 2012, il recommandait  la création d'une Agence des données publiques ainsi constituée pour "faciliter la diffusion et la réutilisation". Ce décret a été suivi rapidement d'un communiqué sibyllin de Matignon confirmant la volonté du gouvernement de poursuivre la stratégie open-data, et annonçant au passage le départ du directeur d'Etalab, Séverin Naudet, un proche de François Fillon, qui n'a toujours pas été remplacé et devrait l’être dans les prochains jours.
UN FAIBLE ENGAGEMENT DE L'EXÉCUTIF
Jérôme Fillipinni, nommé à la tête du SGMAP, confirme que la stratégie open-data est l’un des piliers de la modernisation de l'action publique. "Il y a un formidable bénéfice démocratique : restituer aux citoyens ce qui a été produit par les administrations et pour les citoyens grâce à l'impôt. Et c'est un levier d'amélioration pour les administrations elles-mêmes." L'intégration d'Etalab avec la Disic va en plus permettre, se félicite M. Filippini, "une mise en synergie de la politique d'open-data. Notamment en créant une interaction entre Etalab et les ministères, permettant une mise à jour plus régulière des données."
S'il y a eu peu de prises de parole publique de l'exécutif sur le sujet, les militants du mouvement open-data se raccrochent à deux choses : une ligne dans la charte de déontologie signée par les ministres lors du premier conseil des ministres, et surtout la 34e proposition du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Celle-ci stipule que "les données publiques seront rendues accessibles et gratuites sur le site data.gouv.fr afin de renforcer la transparence de l'action publique et permettre le développement, notamment par les entreprises, de produits et services reposant sur l'exploitation de ces données."
ENTRE RÉUTILISATION COMMERCIALE ET TRANSPARENCE

La réutilisation des données publiques à des fins commerciales est l’une des deux jambes sur lesquelles voudrait danser l'open-data. Celle-ci est encore un peu balbutiante1 en France. François Bancilhon, cofondateur de l’éditeur de donnéesData-Publica, considère que "l'écosystème autour des données continue à se développer indépendamment de l'ouverture des données." L'autre jambe est la transparence. Les données publiques doivent permettre aux administrations de "se rendre lisibles vis-à-vis des autres administrations et des usagers, de dire ce qu'elles font et de faire ce qu'elles disent", explique M. Filippini.
Si M. Bancilhon reconnaît la valeur du travail effectué depuis son lancement par Etalab et salue la réorganisation, il s'inquiète cependant : "Le discours du gouvernement est positif, il donne l'impression que le mouvement va se poursuivre, mais il y a peu de concret. Le gouvernement est en place depuis six mois, et on attend toujours des actes." Regards citoyens, collectif militant pour l'open-data et publiant nosdeputes.fr, qui propose des données sur l'activité parlementaire, espère quant à lui une rapide nomination d'un successeur à M. Naudet, "afin que des actions concrètes soient menées et que l'effort démocratique que le gouvernement appelle de ses vœux devienne une réalité."
Bien à vous,
Morgane BRAVO

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